En effet, la viande rouge ne revêt qu’un seul et unique profil de sensibilisation, mais bien de multiples tableaux cliniques, comme le soulignent Wilson et Platts-Mills (1) dans les situations relevées ci-dessous.
Le cas des enfants
Avant les années 1990, l’allergie alimentaire aux viandes de mammifères touchait essentiellement les jeunes enfants, du fait de la présence de sérumalbumine bovine Bos d6, considéré comme le principal allergène en cause. Il est établit que 20 % des enfants allergiques au lait de vache connaissent également une réaction, lors de la consommation de viande de bœuf peu cuite, contenant ce même allergène. De la même façon, 90 % des enfants allergiques à la viande rouge, toujours par le biais de cet allergène, manifestent des allergies lors de l’ingestion de lait de vache. Les tableaux cliniques sont variés, allant de symptômes essentiellement digestifs à des manifestations anaphylactiques, toutefois il est à noter que ces symptômes surviennent toujours rapidement après la consommation de viande.
La réaction croisée porc-chat
Bien connue des allergologues, cette réaction met en cause l’allergie respiratoire aux antigènes de chat (albumine présente dans les phanères de chats comme les poils, squames), proche de l’albumine de porc et autres mammifères. On estime que ces réactions croisées concernent 1 à 3 % des allergiques au chat avec des symptômes souvent sévères à la consommation de viandes dont des anaphylaxies de grade 3. D’autres réactions croisées peuvent survenir, notamment lors de la rencontre entre l’albumine de chien et celle de cheval.
Le syndrome α-Gal
Ce phénomène émergent, a été constaté en Amérique du Nord (en 2009), puis en Australie et en Europe. Cette forme d’allergie alimentaire a d’abord été considérée comme une maladie rare touchant des enfants atopiques (c’est-à-dire supposément génétiquement prédisposés). On sait depuis peu qu’il s’agit plus précisément et la plupart du temps d’une allergie à une molécule : le galactose-alpha-1,3-galactose, un sucre présent dans la viande de tous les mammifères hormis chez certains primates. Toujours initiée par une piqûre de tique (dont plusieurs espèces prolifèrent depuis les années 1970 dans de nombreuses régions du monde), cette allergie survient généralement suite à la consommation de viande rouge.
Le diagnostic repose sur un faisceau d’arguments : apparition de symptômes chez un sujet adulte qui consommait auparavant de la viande rouge sans problème, réactions diverses allant du rash aux angio-oedèmes et à l’anaphylaxie pouvant mettre en jeu le pronostic vital, début des symptômes 2 à 6 heures après le repas et sans relation entre le délai d’apparition et la sévérité des symptômes, mise en évidence d‘IgE anti α-Gal, disparition des symptômes après régime d’éviction, description de réactions locales étendues après piqûre de tiques ou d’autres arthropodes (2).
Une allergie en pleine évolution
Les dernières données épidémiologiques insistent sur l’augmentation de fréquence des allergies à la viande rouge qui intéresse tous les pays. Par exemple au Pakistan l’allergie à la viande de boeuf concernerait 0,9 % des patients consultant pour suspicion d’allergie alimentaire, devant l’arachide, le soja et le poisson. En France les données du RAV objectivaient la responsabilité des viandes dans 3,4 % des anaphylaxies alimentaires en 2017 (3).
1-Wilson JM. et al. Red meat allergy in children and adults. Curr Opin Allergy Clin Immunol 2019 ;19 ;229-352-Commins SP. et al. Diagnosis and management of alpha-Gal syndrome : lessons from 2500 patients. Expert Rev Clin Immunol 2020 ;16 :667-77.3-Thomas H. et al. Etude des cas d’anaphylaxies aux viandes de mammifères déclarés au réseau d’allergo-vigilance. Rev Fr Allergol 2017 ;57 :533-8.